Les piétons sont-ils menacés par la déchéance du droit de conduire ?

L’article 38 de la loi sur la circulation routière régit les hypothèses dans lesquelles le juge peut ou doit prononcer une déchéance du droit de conduire à titre de peine.

Cette disposition, modifiée à de nombreuses reprises, n’a pas fini de faire parler d’elle. Récemment, c’est le §7 qui a suscité de nombreuses réactions parmi les auteurs.

Lorsqu’une infraction au Code de la route a été commise avec un véhicule ne nécessitant pas de permis de conduire, il ne fait pas sens de condamner systématiquement le prévenu à une déchéance du droit de conduire et à la réussite d’examens.

Cependant, jusqu’en 2017, la loi ne distinguait pas :

  • les hypothèses dans lesquelles l’infraction a été commise à l’aide d’un véhicule nécessitant un permis ;

  • et les hypothèses dans lesquelles l’infraction a été commise soit sans véhicule, soit à l’aide d’un véhicule ne nécessitant pas de permis (tel qu’un vélo).

En 2017, le législateur est intervenu afin de clarifier la loi et de supprimer l’obligation du juge de prononcer une déchéance du droit de conduire / la réussite d’examens pour une infraction commise alors qu’aucun permis n’est requis.

L’idée du législateur était de laisser au juge, dans cette hypothèse, la possibilité – et non l’obligation – de prononcer une déchéance dans les cas où il l’estimerait nécessaire.

Un septième paragraphe, rédigé comme suit, a été intégré à l’article 38 :

« Le juge n’est pas obligé de prononcer la déchéance du droit de conduire un véhicule à moteur et de subordonner la réintégration dans le droit de conduire à la condition d’avoir satisfait aux examens, si l’infraction a été commise avec un véhicule qui n’entre pas en ligne de compte pour la déchéance ».

Malheureusement, cette tentative de clarification a amené son lot d’incertitudes.

Cette disposition est particulièrement lacunaire en ce qu’elle ne règle pas le sort des piétons et se borne à viser tout « véhicule qui n’entre pas en ligne de compte pour la déchéance ». En effet, elle ne vise pas les cas où l’infraction à la circulation routière a été commise sans véhicule (par exemple par un piéton).

Une différence de traitement existait donc entre ces deux catégories d’usagers de la route.

Cette lacune législative a récemment été mise en évidence par le tribunal de police d’Anvers. Dans l’affaire qu’il devait juger, le prévenu avait refusé de se soumettre aux injonctions d’un agent qualifié alors qu’il circulait en tant que piéton dans un carrefour. S’agissant d’un piéton, le juge ne pouvait faire application de l’article 38 §7 et devait prononcer la déchéance.

À l’occasion de ce procès, le tribunal a interrogé la Cour constitutionnelle sur la constitutionnalité de la disposition (art. 38, §7).

La Cour a considéré, par un arrêt du 4 octobre 2018, que cette différence de traitement n’était pas justifiée et créait une discrimination au regard de la Constitution (violation des articles 10 et 11).

Eu égard à la discrimination mise en exergue par la Cour constitutionnelle, les juges ne peuvent dès lors (plus) condamner un piéton à une déchéance du droit de conduire.

Il appartient désormais au législateur de revoir la disposition et de remédier à cette discrimination.

 

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