Est-ce légal d’enregistrer quelqu’un à son insu ?

Les smartphones permettent sans difficulté l’enregistrement d’une conversation par un participant à l’insu de son interlocuteur. Procéder de la sorte est-il légal ?

 

Dans son arrêt du 7 juin 2016, la Cour de cassation rappelle les principes :

« L’utilisation de l’enregistrement d’une conversation par un participant à cette conversation sans que les autres participants en aient connaissance, en dehors du cas de l’utilisation exclusivement personnelle et autre que l’utilisation visée à l’article 314bis, § 2, alinéa deux du Code pénal, peut constituer une infraction à l’article 8 Conv. eur. D.H.

Au moment d’apprécier si cette utilisation forme une infraction à l’article 8 Conv. eur. D.H., le juge considère, notamment, le critère d’attente raisonnable de confidentialité des participants à la conversation ou le but recherché par l’utilisation de l’enregistrement. Le contenu de la conversation, les circonstances dans lesquelles la conversation s’est tenue, la qualité des participants à la conversation et la qualité du destinataire de l’enregistrement, entre autres, jouent un rôle à cet égard. »

 

L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme consacre le droit au respect de la vie privée et familiale :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

 

L’article 314bis §2 du Code pénal, repris au chapitre relatif aux infractions relatives au secret des communications non accessibles au public et des données d’un système informatique,  dispose quant à lui :

« § 2. Sera puni d’un emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de cinq cents euros à vingt mille euros ou d’une de ces peines seulement, quiconque détient, révèle ou divulgue sciemment à une autre personne le contenu de communications non accessibles au public ou de données d’un système informatique illégalement interceptées ou enregistrées, ou dont il a pris connaissance illégalement, ou utilise sciemment d’une manière quelconque une information obtenue de cette façon.

 Sera puni des mêmes peines quiconque, avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, utilise un enregistrement, légalement effectué, de communications non accessibles au public ou de données d’un système informatique. »

 

L’enregistrement fait par un participant d’une conversation à l’insu d’un autre participant est donc légal : les articles précités n’interdisent aucunement celui-ci.

Son utilisation est par contre plus délicate et sera , en fonction de l’espèce, licite ou non : il appartiendra au juge d’en décider sur la base des éléments de fait de la cause, compte tenu de l’attente raisonnable du respect de la vie privée qu’ont pu avoir les intervenants, lequel porte notamment sur le contenu et les circonstances dans lesquelles la conversation a eu lieu.

Il a ainsi été jugé :

« (…) L’enregistrement d’une conversation téléphonique ne constitue pas en soi une preuve irrégulière si la conversation n’avait pas de rapport avec la vie privée des parties mais avec leur relation d’affaires, et qu’aucune des parties n’était liée par le secret professionnel. Cependant, quand la conversation a été enregistrée en secret à un moment où les deux parties à la conversation étaient déjà impliquées dans un litige, la preuve est alors en principe irrégulièrement obtenue, sauf si la conversation n’a pas été provoquée et que la preuve du fait ne pouvait être rapportée que de cette manière.(…) » (Gand (12e ch.) n°2004/AR/1740, 6 septembre 2006).

 

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